De très bonnes initiatives locales à déployer sur tout le territoire. Bravo à la centrale de mobilité de l’Oise !… Mais au niveau législatif, a-t-on avancé sur le sujet de la promotion du covoiturage sans toucher aux primes transport que reçoivent certains salariés, sur leurs déplacements domicile-travail ? Tant que rien n’est légiféré, on verra encore des entreprises freinées par ce manque d’outils légaux 🙁 …. Laurence
Peut-on se passer de la voiture individuelle hors des villes ?
Source : LEMONDE.FR | 08.02.12 | 17h30 • Mis à jour le 08.02.12 | 18h17Les Français qui bannissent la voiture individuelle en zones périurbaines ou rurales sont plutôt rares. AFP/OLIVIER MORIN
Chaque jour, il parcourt 20 km pour se rendre au travail. D’abord, il enfourche son vélo, puis prend deux RER et enfin saute dans un bus. Au total, depuis son logement à Vincennes, il faut cinquante minutes bien tassées à Aymeric Guillonneau, photographe de 23 ans, pour rejoindre Pontault-Combault, en Seine-et-Marne, où il est employé. « Je n’ai pas le permis et ne je souhaite pas acheter une voiture, explique-t-il. Se déplacer en transports en commun est parfois malaisé, notamment les bus de banlieue, peu nombreux et pas toujours fiables, mais je me débrouille. Et cela me fait économiser de l’argent et éviter le stress des bouchons. »
Si Aymeric Guillonneau n’est pas un cas isolé, les Français qui bannissent la voiture individuelle en zones périurbaines ou rurales sont plutôt rares. Vingt millions de véhicules circulent ainsi chaque jour dans ces territoires peu couverts en transports publics, qui abritent 40 % de la population, estime le Centre d’Analyse Stratégique (CAS) dans un rapport publié mardi 7 février 2012. Avec un impact écologique – 40 millions de tonnes de CO2 rejetées chaque année, soit 8 % des émissions totales de gaz à effet de serre en France –, et économique : pour les ménages concernés, l’automobile absorbe 12 % de leur budget annuel. Autant de raisons qui incitent le CAS à chercher des solutions pour réduire la « dépendance » à la voiture individuelle dans ces zones.
« Les politiques d’urbanisme et les politiques de transport n’ont pas été suffisamment menées de concert dans ces zones, observe Olivier Crepin, chargé des questions de mobilité à l’Assemblée des communautés de France, qui regroupe les élus de l’intercommunalité. Il faut sortir du cercle vicieux de l’étalement urbain, qui entraîne une dépendance automobile et donc une précarité énergétique. »
INTERMODALITÉ
Pour faire évoluer cette situation, le groupe de travail du CAS a retenu plusieurs initiatives locales mises en place par des collectivités, des entreprises ou des associations. C’est le cas des Côtes-d’Armor, où un site Internet de covoiturage regroupe et met en relation 2 000 personnes (conducteurs et passagers) se déplaçant dans une même direction. Pour faciliter les trajets, le service est intégré dans la centrale de mobilité du département, et des aires de covoiturage ont été aménagées.
Autre exemple, la centrale de mobilité mise en place dans l’Oise permet, via Internet, de connaître les horaires de l’ensemble des modes de transports dans le département (train, bus, car, covoiturage, etc.), les tarifs, les points d’arrêt et surtout les correspondances. « Afin de faciliter la rupture de charge, quand on change de moyen de transport, nous avons mis en place une carte à puce unique qui permet d’utiliser l’ensemble de ces modes de transport, totalement intégrés », détaille Véronique Picard, directrice du syndicat mixte des transports collectifs de l’Oise, qui regroupe treize collectivités.
Les résultats commencent à se faire sentir : en deux ans, la fréquentation des lignes de car départementales a augmenté de 20 %, tandis que le nombre d’inscrits pour le service de covoiturage triplait. Mais pour obtenir ces résultats, le département a aussi mis la main à la poche, instaurant une tarification attractive pour les déplacements en car (2 euros quel que soit le trajet) et une subvention aux communautés de communes qui développent les transports en commun.
TIERS-LIEUX
S’il faut faciliter les déplacements des usagers, le CAS recommande aussi de favoriser leur réduction. C’est pour éviter des trajets inutiles, dans des zones où les services sont souvent dispersés, que 27 professionnels de santé (médecins généralistes, infirmiers, dentistes) se sont regroupés au sein d’un « pôle médical » au sein de la communauté de communes de Monein (Pyrénées-Atlantiques).
Des regroupements qui pourraient toucher les services, mais aussi les commerces, les entreprises ou les industries. « Il faut réfléchir au rapprochement des lieux de travail et de vie, par le télétravail, mais aussi grâce à des tiers-lieux de travail, de commerces ou de services, qui regrouperaient un maximum d’activités », ajoute Olivier Crepin.
Au final, ces différentes expériences pourraient, si elles étaient agrégées et surtout généralisées à l’ensemble du territoire, limiter l’usage de la voiture, faciliter les déplacements des usagers n’ayant pas d’automobile, et réduire de l’ordre de 30 %, d’ici vingt ans, les émissions de CO2 des voitures dans ces zones, estime le CAS.
DEGRÉ DE CONTRAINTE
« Ces initiatives, aujourd’hui marginales, ne pourront se développer à une large échelle qu’à une condition : une augmentation des contraintes sur l’automobile, par exemple en cas de hausse forte et brutale du prix du carburant, assure Yves Crozet, professeur d’économie à l’université de Lyon et directeur du laboratoire d’économie des transports. L’augmentation continue des prix des carburants n’a pas réduit notre capacité à utiliser des voitures individuelles car, dans un même temps, les voitures consomment moins et le pouvoir d’achat augmente. Le budget consacré à la voiture par les ménages n’a au final pas varié depuis trente ans. »
En cas de forte pression financière, par contre, les communes ou particuliers pourraient rapidement mettre en place des services de covoiturage, notamment en zone rurale, où les transports en commun ne peuvent pas se développer comme en zone urbaine ou périurbaine. « C’est la solution immédiate parce que les voitures existent déjà, estime Yves Crozet. Les transports publics sont plus difficiles à mettre en place car ils coûtent très chers, étant massivement subventionnés par les collectivités, pour des taux de remplissage souvent faibles. » Une solution qui pose néanmoins des questions, prévient le chercheur : peut-on faire payer des trajets quotidiens dans une voiture particulière sans être un taxi, doit-on déclarer ces revenus aux impôts, qu’en est-il de la responsabilité civile ?
Reste, aussi, le problème du poids culturel. « Les transports en commun pâtissent toujours d’une mauvaise image, connotés transports sociaux et peu pratiques », regrette Véronique Picard. Et Olivier Crepin de conclure : « La voiture individuelle restera donc, dans les années à venir, le mode privilégié des déplacements hors des villes. »
Audrey Garric